Pourquoi le LME a suspendu les échanges sur le nickel, à plus de 100.000 dollars la tonne

Du pétrole au blé, en passant par le cuivre ou le palladium, c’est l’ébullition. Le conflit en Ukraine, déclenché le 24 février par Vladimir Poutine, a sorti de l’ombre de nombreux métaux de base, faisant exploser leurs cours de Bourse. Dernier exemple en date : le nickel. Ce métal blanc argenté, utilisé pour fabriquer de l’acier inoxydable et des batteries pour véhicules électriques, a enjambé, tôt mardi matin, le seuil symbolique des 100.000 dollars la tonne, à 101.365 dollars, sur le London Metal Exchange (LME), la bourse des métaux de Londres, culminant à son plus-haut niveau en 145 ans… L’envolée, de 250% en deux jours, est à ce point spectaculaire, que le régulateur a décidé d’introduire des mesures d’urgence. Toute opération sur les contrats à terme à trois mois est suspendue pour la journée « au minimum », et les opérateurs ont l’obligation de respecter leurs engagements de livraison sur tous les principaux contrats du métal. Si la fermeture venait à se prolonger, le LME assure qu’il prendra des dispositions pour faire face aux livraisons de nickel à venir.      

Appel de marge

Derrière ce dérèglement du marché se cachent des rachats forcés chez des vendeurs à découvert. Certains opérateurs ont en effet parié sur une baisse du métal, afin de se couvrir ou de spéculer. Mal leur en a pris, le cours s’est envolé ces derniers jours. Parmi les parieurs figurent une grande banque chinoise ainsi que le plus important producteur de nickel du pays, selon l’agence de presse Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier. Le groupe en question est Tsingshan, dirigé par un certain Xiang Guangda, également connu sous le nom de « Big Shot ». Depuis plusieurs mois, il aurait pris d’importantes positions à découvert sur le nickel… Ses pertes potentielles sont estimées à 2 milliards de dollars ! Dans son sillage, Tsingshan entraîne son courtier, China Construction Bank Corp. Ce dernier s’est vu accorder un délai supplémentaire par le LME pour payer des centaines de millions de dollars d’appels de marge qu’il aurait dû honorer lundi. Aux traders les plus anciens, ce scénario rappelle la crise de l’étain, survenue à l’automne 1985. A l’époque, le régulateur n’avait pas eu d’autre choix que de suspendre le négoce de l’étain pendant quatre ans, ce qui avait poussé de nombreux courtiers à la faillite. Pour Malcom Freeman, chez Kingdom Futures, cité par Bloomberg, la décision du LME est la « bonne chose à faire. J’ai le sentiment qu’elle envisagera probablement d’annuler les opérations d’aujourd’hui aussi. » Sur son site, le LME indique qu’il calculera « les appels de marge, pour l’instant, sur la base du prix de clôture du lundi 7 mars », soit environ 48.000 dollars la tonne. « LME Clear examinera les mesures supplémentaires, le cas échéant, qui devraient être prises du point de vue de la gestion des risques », précise le communiqué de presse. Avant même cet épisode, le nickel était en forte hausse. « La Russie est le troisième producteur mondial de nickel et le premier producteur de produits primaires de nickel, tel que le nickel raffiné nécessaire aux batteries des véhicules électriques », rappelle Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI AM. Pour l’heure, les principaux producteurs de métaux du pays ont été épargnés par les sanctions, mais beaucoup des entreprises de ce secteur sont dirigées par des oligarques proches de Vladimir Poutine, tel que le président de Norilsk Nickel, Vladimir Potanine. Celui-ci n’est pas, pour l’heure, sur la liste des sanctions. » Si des mesures de rétorsion étaient adoptées, l’impact serait important, notamment sur l’automobile. La mobilité électrique repose sur le nickel. « Cela ferait monter le prix des batteries et donnerait un avantage considérable aux fabricants chinois qui devraient, eux, conserver un approvisionnement intact, voire pouvoir augmenter leurs approvisionnements en récupérant une partie des exportations russes », estime Benjamin Louvet. A ce jour, 37% des exportations russes ont pour destination les Pays-Bas et 16% l’Allemagne. Quelles solutions pour desserrer l’étau ? Certains pays, comme l’Indonésie, pourrait accroître leur production.
Pourquoi le LME a suspendu les échanges sur le nickel, à plus de 100.000 dollars la tonne

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